Mustafa Kemal a envoyé İsmet Pasha (İnönü) en tant que négociateur en chef pour la Turquie aux Négociations de Paix de Lausanne. Cependant, pour que cela soit possible, Ismet Pacha devait siéger au Conseil des ministres. Dans une succession rapide d’événements, il a été nommé ministre des Affaires étrangères et a été nommé représentant en chef du côté Turc. Le parlement Turc a nommé un conseil dirigé par İsmet Pacha et composé de Hasan Bey (Saka), député de Trabzon, et de Dr. Rıza Nur Bey, député de Sinop. Ce conseil, à son tour, a mis en place une délégation d’experts pour les aider à Lausanne.
Le négociateur en chef pour les négociations de Lausanne, Ismet Pacha, dans son discours du 3 novembre 1922, a assuré au Parlement qu’ils ne s’écarteraient pas du Pacte National. Les discussions et les propositions qui en ont résulté lui ont ensuite été remises par le Président du Parlement comme décision du Parlement.
Les gros titres à discuter à Lausanne sont les suivants:
◉ Les questions frontalières (frontière irakienne-Mossoul, frontière sud-Syrie, frontière ouest-Grèce et Thrace occidentale)
◉ Les Capitulations,
◉ Les minorités et les écoles étrangères,
◉ Les indemnité de guerre,
◉ Les dettes publiques,
◉ Les détroits,
◉ Les îles du Dodécanèse,
◉ Le Patriarcat Œcuménique.
İsmet İnönü et Mustafa Kemal Atatürk |
Pendant la Conférence de Paix de Lausanne, la Grande-Bretagne était représentée par le ministre des affaires étrangères de l’époque, Lord Curzon. Il est important de noter que Lord Curzon n’était pas différent de Lloyd George en ce qui concerne son sentiment anti-Turc. Et tout comme George, il était l’un des architectes du Traité de Sèvres. Sans hésiter à exprimer son aversion pour les Turcs même au cours de ces années, il a fréquemment déclaré que les Turcs devaient absolument être chassés d’Istanbul. Ce que Curzon avait réellement en tête était de confiner les Turcs dans un petit pays Asiatique avec Konya comme centre, prenant le contrôle d’Istanbul, de Thrace et des côtes égéennes et méditerranéennes et créer des pays dépendants de la Grande-Bretagne comme « le Kurdistan et l’Arménie » en Anatolie Orientale et en Anatolie du Sud-Est. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est le fait que cet horrible scénario préconisé par Curzon demeure l’un des objectifs les plus fondamentaux de l’État Profond Britannique.
Cet objectif explicitement énoncé par Curzon a été jugé risqué par certains milieux. En conséquence, le cabinet Britannique a plutôt suggéré que les Turcs et le Calife restent à Istanbul, mais qu’Istanbul devrait être davantage affaibli. Cependant, Curzon n’était pas prêt à abandonner ses rêves impossibles:
Nous perdons une opportunité pour laquelle l’Europe a attendu près de cinq siècles et qui pourrait ne pas se reproduire. L’idée d’un gouvernement Turc respectable et docile à Constantinople, protégé de ses vices héréditaires par un cordon militaire des puissances – y compris, rappelons-le, une garnison Britannique permanente de 10 000 à 15 000 hommes – est à mon sens une chimère… Mais Au-delà de tout, je regrette que le but principal pour lequel la guerre à l’Est a été menée et le sacrifice de Gallipoli enduré – à savoir la libération de l’Europe des Turcs Ottomans – après des pertes de vie et un trésor presque incroyables, a été jeté à la rue à l’heure même où il avait été obtenu, et que nous aurions laissé à nos descendants – qui sait après combien de sacrifices et de souffrances? – une tâche devant laquelle nous avons reculé.341
Fortement influencé par le fléau du Darwinisme créé et propagé par l’État Profond Britannique, Curzon mentionne les « vices héréditaires » des Turcs, évoquant les races et admettant presque que le véritable objectif de la Première Guerre Mondiale était « la libération de l’Europe des Turcs Ottomans ».
Comme mentionné ci-dessus, la question de Mossoul s’est avérée être un sujet très controversé entre les Turcs et les Britanniques lors des négociations de Lausanne. Il convient de rappeler que l’Etat Profond Britannique avait le projet de construire un « État Kurde » dans le Sud-est de la Turquie dans le cadre des pourparlers de Lausanne. La mise en place de la frontière turco-irakienne a ruiné les plans de l’Etat Profond Britannique mais a fait de Mossoul le centre du débat. Deux pays, qui ont eu auparavant de nombreuses rencontres sur les champs de bataille, devaient prouver leurs compétences sur le plan diplomatique. La partie Britannique, sous les auspices de l’Etat Profond Britannique, n’a pas hésité à recourir à de nombreuses méthodes insidieuses.
Afin de bien comprendre les détails de cette guerre de diplomatie pour savoir qui gagnerait Mossoul, jetons un coup d’œil sur l’histoire de la région.
Soldats Turcs sur le front Mésopotamien (actuel Irak), devant le commandement central de Mossoul |
La Mosquée Hamou Qado, la deuxième Mosquée Ottomane de Mossoul, a été détruite lors d’un attentat terroriste en 2015. |
Mossoul à travers l’Histoire
Mossoul est un territoire Turque depuis la capture de celui-ci par les Seldjoukides en 1055. Après la victoire du Sultan Selim Ier en 1514, elle fait partie de l’Empire Ottoman, puis un État en 1534, après la campagne du sultan Suleiman I à Bagdad. Cela a fait de Mossoul le centre d’une province (vilayet) composée des divisions administratives de Souleimaniye, Kirkuk et Mossoul (sanjaks).342 Cette province était entourée par l’Iran à l’est, Diyarbakır au nord, Bagdad au sud, Damas à l’ouest, Alep et Zor Sanjak au nord-ouest.
Cependant, un pouvoir impérialiste avec des objectifs sournois est apparu dans les années 1800 avec de mauvais plans pour cette région, qui fut gouvernée par les Turcs pendant environ 1000 ans et 400 ans par les Ottomans: il s’agissait de l’Etat Profond Britannique…
Mossoul était importante pour la Grande-Bretagne en raison de la politique d’exploitation impérialiste de ce dernier. Au début du 19ème siècle, la Grande-Bretagne comptait le plus grand nombre de colonies musulmanes et vit l’Irak et l’Arabie, sur la Route des Indes, d’une importance stratégique pour sa politique au Moyen-Orient. L’empire colonial Britannique estimait que la sécurité de ses frontières et de ses voies de transport, ainsi que l’élargissement futur de son hégémonie dans le monde, dépendaient de la possibilité d’atteindre les mers ouvertes, de maintenir l’équilibre en Europe et de contrôler la politique pétrolière mondiale.343 Mossoul était naturellement un élément crucial de ce plan en raison de sa position stratégique.
En plus de son emplacement géostratégique, Mossoul était extrêmement précieuse car, sous son sol vierge, se trouvaient des millions de barils de pétrole.
Régiment de Cavalerie Ottomane en Irak |
Bagdad sous la gouvernance Ottomane |
Ce sont des facteurs indispensables pour l’État Profond Britannique. Plus important était la mise au point d’une stratégie visant à mettre fin à la présence Turque en Europe et en Anatolie pour de bon. Mossoul était au cœur de cette stratégie, sur laquelle les pages suivantes se focaliseront plus en détail.
En 1890, les investigations ordonnées par le Sultan Abdul Hamid II révélèrent que Mossoul et Bagdad abritaient de riches ressources pétrolières. En conséquence, le Sultan, par décrets pris en 1890 et en 1898, déclara ces régions en tant que « Territoires Magnéfiques » (Memalik-i Şahane) et en fit sa propre propriété.344
Cependant, lorsque les Jeunes Turcs ont détrôné Abdul Hamid II le 27 avril 1909, la propriété de Mossoul et de Bagdad a été transférée au Ministère des Finances. Ce développement convenait aux intérêts de l’Etat Profond Britannique et influença leurs stratégies ultérieures.
En 1909, la Grande-Bretagne signa un accord avec l’Empire Ottoman et fonda une banque nommée « Banque Nationale de Turquie » avec 100% de capitaux Britanniques pour créer des capitaux pour ses explorations pétrolières et surtout pour surveiller les intérêts Britanniques. En 1912, un groupe dirigé par Sir Ernest Cassel fonda la « Compagnie Pétrolière Turque », une fois de plus avec un capital entièrement Britannique, pour rechercher du pétrole dans les terres Ottomanes et gérer le secteur pétrolier.345 À ce stade, il sera utile de se rappeler comment l’État Profond Britannique a utilisé les systèmes financiers pour asseoir son hégémonie. Une fois de plus, cette stratégie était mise en place pour renforcer la domination de l’Etat Profond Britannique sur l’Empire Ottoman, déjà faible. Le scénario était étrangement similaire à ce qui s’est passé en Inde.
Installation minière contrôlée par des fonds privés d’Abdul Hamid II |
(1) Les Bagdadis sous la gouvernance Ottomane (2) Postes militaires Turcs à Bagdad |
Les Plans pour partitionner l’Empire Ottoman |
Lorsque l’Empire Ottoman est entré dans la Première Guerre Mondiale, la Grande-Bretagne a révisé ses plans stratégiques et politiques. En 1915, sous la présidence de Sir Maurice de Bunsen, la « Commission sur la Turquie Asiatique » a été mise en place, a commencée ses travaux le 8 Avril, 1915 et a présentée son rapport le 30 Juin 1915. La Commission a proposé dans son rapport que les terres Ottomanes soient divisées en cinq grandes régions/provinces autonomes: Syrie, Palestine, Arménie, Anatolie/Turquie et Irak.1 Elle a également stipulé que les points stratégiques le long de la ligne allant de la Méditerranée au golfe Persique soient pris sous contrôle, directement ou indirectement. Cela ne pourrait être réalisé que par une invasion complète de la Palestine et de l’Iraq.2 Selon Lord Curzon, les frontières occidentales de l’Inde se situent le long de l’Euphrate et ne pourraient être contrôlées que par le vilayet de Mossoul. Ainsi, les Britanniques pourraient obtenir toutes sortes de privilèges économiques, notamment le pétrole, en Turquie Asiatique, y compris à Mossoul.3 |
1. Selçuk Ural, « Mütareke Döneminde İngiltere’nin Güneydoğu Anadolu Politikası », Ankara Üniversitesi Türk İnkilap Tarihi Enstitüsü Atatürk Yolu Dergisi, p. 39, May 20072. David Fromkin, Barışa Son Veren Barış (La Paix qui a mis Fin à la Guerre), traduit par Mehmet Harmancı, Istanbul, 1994, pp.137-140; M. Kemal Öke, Musul Meselesi Kronolojisi (1918-1926) (Chronologie de la question de Mossoul), Istanbul: Türk Dünyası Araştırmaları Vakfı, 1987, p. 15
3. İhsan Şerif Kaymaz, Musul Sorunu Petrol ve Kürt Sorunları ile Bağlantılı Tarihsel ve Siyasal Bir İnceleme (La question de Mossoul, analyse historique et politique en termes des questions du pétrole et des kurdes), Istanbul: Otopsi Yayınları, 2003, p. 49; Ersal Yavi, Kürdistan Ütopyası (Utopie du Kurdistan), vol. 1, Istanbul: Yazıcı Basım Yayın, 2006, p. 63 |
Mossoul pendant la Première Guerre Mondiale
Lorsque la Première Guerre Mondiale a éclaté, les Ottomans n’ont pas eu de présence militaire importante en Irak. Le 2 août 1914, la mobilisation générale fut déclarée dans tout l’empire346 et l’armée Turque fut reconstruite sur le front de l’Irak. Cependant, il ne semblait pas très probable que cette armée combatte les armées régulières d’Europe. Il était très difficile de reconstituer les uniformes et l’équipement ou de transférer des armes dans la région.347
De plus, le nombre de soldats en Irak était très faible. Visiblement en raison de la guerre Italo-Turque, les révoltes des Balkans et les guerres des Balkans, l’armée Ottomane a dû tourner son attention de l’Irak. Toutefois, selon Ahmed Izzet Pacha, un des grands vizirs Ottomans, la véritable raison était différente. L’Empire Ottoman n’a jamais envisagé la possibilité que les Britanniques pourraient lancer une attaque dans la région. Dans ses mémoires, il explique le dilemme:
Même les enfants savent que les Britanniques ont des projets pour l’Irak depuis longtemps. Du fait de l’héritage culturel impressionnant et l’histoire de la civilisation de l’Irak et de la Mésopotamie, et sa réputation qui, avec une bonne gestion et l’utilisation, elle pourrait rivaliser avec la fertilité du Nil, le Pendjab, le Sind et les bassins du Gange, ces lieux ont fait leurs preuves pour leurs propriétaires, mais ont également attisés les convoitises des empires coloniaux. Les tombes et les familles de l’imam al-A’zam (Abû Hanîfa), extrêmement sacrés pour les Musulmans et particulièrement chers aux Chiites et très sacré pour les Sunnites, et la tombe d’Abdul-Qadir Gilani, très chers aux Musulmans Indiens, sont situés en Irak. Par conséquent, on pouvait facilement voir que la Grande-Bretagne, avec déjà une importante population Musulmane soumise et avec l’espoir d’être le défenseur du Hedjaz, profiterait grandement, du point de vue de sa politique concernant l’Islam, de la capture de cette région. Il était tout à fait naturel que les Britanniques jettent leur dévolu sur l’Irak, également dans le but d’empêcher que cet endroit stratégique important ne soit pris par un ennemi puissant qui pourrait constituer une menace future contre l’Inde. Séparer la région irakienne des forces locales revient à provoquer et à inviter le gouvernement Britannique à envahir cette propriété qui est la nôtre. C’est donc une grave erreur qu’un plus grand nombre de troupes ne soient pas envoyées dans ces régions avant que le besoin ne se fasse sentir.348
(1) Soldats Turcs dans la guerre des Balkans (2) Musulmans forcés d’immigrer pendant la guerre des Balkans |
Bien qu’Ahmed İzzet Pasha ait clairement souligné la gravité de la situation dans la région et les plans sinistres de l’Etat Profond Britannique, il n’y avait pas suffisamment de troupes à Mossoul. Inutile de dire que le fait que l’Empire Ottoman soit sorti de la guerre des Balkans à l’époque a joué un grand rôle à cet égard.
L’Irak après le Siège de Kut-el-Amara
Malgré toutes sa faiblesse et ses défaites précédentes, l’armée Ottomane poursuivait ses succès sur le front irakien, ce qui était très important pour l’Empire Ottoman. Le 22 novembre 1915, les Britanniques sont lourdement vaincus à Kut-el-Amara. Cette défaite inattendue les a fortement secoués. La victoire de l’armée Turque à Kut-el-Amara est une réalisation très importante dont il faut se souvenir aussi bien que la victoire de Gallipoli.
Les forces Britanniques n’ont pas pu accepter cette défaite inattendue et ont fait un effort particulier après cette date pour ne pas laisser l’Irak à l’Empire Ottoman. Pour atteindre leurs objectifs, ils ont utilisé des tactiques pour diviser de l’intérieur. Après la déroute de Kut-el-Amara, l’État Profond Britannique a multiplié le nombre d’espions dans la région, qui connaissaient bien le tissu irakien, parlant l’Arabe mieux que les Arabes et le Kurde mieux que les Kurdes. Les Britanniques ont aussi profité des gens d’origine Moyen-Orientale, qui vivaient en Grande-Bretagne et qui pensaient qu’ils étaient redevables à la Grande-Bretagne.349 L’utilisation de Britanniques d’origine Moyen-Orientale contre le Moyen-Orient est connue comme étant une politique de l’Etat Profond Britannique, qui est encore utilisée. De nombreux peuples, soumis à la Grande-Bretagne tout au long de l’histoire, étaient considérés comme des agents potentiels désireux de servir les politiques l’Etat Profond Britannique et ont donc été utilisés.
Même en octobre 1918, lorsque la Première Guerre Mondiale se termina, les soldats Britanniques continuèrent d’avancer vers Mossoul. Le front Irakien est devenu un lieu où la 6ème armée Ottomane a subi de lourdes pertes.
(1) Le journal Vorwärts imprimé à Berlin le 30 avril 1916 couvre la nouvelle de la reddition des troupes Britanniques à Kut Al Amara. (2) Une caricature par des Allemands qui décrit la défaite Britannique à Kut Al Amara |
L’Irak d’Après-Guerre
Au moment de la signature de l’Armistice de Moudros le 30 octobre 1918, marquant la fin de la Première Guerre Mondiale pour l’Empire Ottoman, les positions des forces Ottomanes et Britanniques en Irak étaient les suivantes:
Les Britanniques avaient avancé jusqu’aux puits de pétrole d’Al-Khidhir et d’Al-Qayyarah, la ligne Altun Kupri, Souleimaniye et Kirkuk. Les forces Ottomanes dominaient la ligne Raqqa, Deir Ez-Zor, Mayadine, Sinjar, Tall Afar, Hamam al-Alil, Souleimaniye et Halabja.350
Les Turcs espéraient avec optimisme que les lieux sous contrôle Turc à la date de la signature de l’armistice seraient considérés comme la « Ligne d’Armistice ». Même si, selon les conditions d’armistice, les forces de la région devraient rester dans leurs positions actuelles, les forces Britanniques ne les ont pas respectées. Poursuivant leur progression, les Britanniques sont entrés le 1er novembre à Hamam al-Alil et, après avoir déclaré qu’ils envahiraient Mossoul, ils ont demandé aux forces Turques de se replier à 5 km au nord de la ville de Mossoul.
Ali İhsan Pacha a rapporté cette demande des Britanniques au grand vizir et, à la suite d’une série d’échanges de télégrammes, le grand vizir a ordonné à Ali İhsan Pasha d’évacuer la ville le 15 Novembre. En s’y conformant le Pacha a laissé Mossoul aux Britanniques le 10 Novembre et s’est retiré à Nusaybin, où il a établi son quartier général.351 En conséquence, les Britanniques ont occupé Mossoul après la Première Guerre Mondiale, en violation des règles de l’armistice et de la guerre internationale.
Soldats Turcs au front à Kut Al Amara |
Soldats Britanniques et Indiens à Kut Al Amara |
Soldats Britanniques faits prisonniers de guerre à Kut Al Amara |
Cette occupation, cependant, n’a pas aidé les Britanniques au départ, car ils ne pouvaient pas réaliser la domination dans la région. Les tribus et les habitants de la région ne voulaient pas des Britanniques. Les habitants de Kirkouk et de Souleimaniye ont refusé de leur payer des taxes, et les combats de rue fréquents sont devenus un spectacle familier. La majorité des indigènes se sont rangés du côté des Turcs. La population de Mossoul a soutenu le mouvement indépendantiste Turc qui s’est encore renforcé avec l’ouverture du nouveau Parlement à Ankara. Même les Arabes de la région ont envisagé de coopérer avec Mustafa Kemal Pasha contre les Britanniques. Sur la base de documents Britanniques, Mim Kemal Öke explique que les Arabes et les Kurdes de Mossoul ont préféré faire confiance à l’Anatolie, plutôt qu’à Faisal soutenu par les Britanniques.352 Plusieurs raisons expliquaient ce choix et Ismet Pacha expliquait ceci comme suit:
Ali İhsan Pasha |
1- Les habitants du vilayet de Mossoul ont exigé avec insistance d’être annexés par la Turquie; parce qu’ils savaient que, de cette façon, ils pourraient faire partie d’un pays indépendant et non d’un peuple colonisé. De plus, ces personnes se considèrent comme des Turcs depuis 1055 et comme des Ottomans depuis 1514.
2- Géographiquement et politiquement, ce vilayet faisait partie de l’Anatolie. L’État Profond Britannique a estimé qu’il devait se rendre en Anatolie pour bénéficier du commerce méditerranéen et a vu Mossoul comme une clé qui ouvrirait les portes.
3- Sur le plan juridique, Mossoul faisant encore partie de l’Empire Ottoman, tout accord ou traité signé par la Grande-Bretagne au sujet de Mossoul est invalide.
4- En ce qui concerne les relations commerciales de la Turquie et la sécurité de la région, il est impératif que la Turquie contrôle Mossoul, qui se situe au carrefour des chemins qui rejoignent le sud de l’Anatolie.
5- Plus important encore, Mossoul est un vilayet Turc. Pendant des siècles, il existait dans le cadre d’un État Turc et les Kurdes, les Arabes et les Turcs qui vivent sur ces terres font toujours partie de l’État Turc. Accepter la domination d’un autre pays est impossible pour les peuples autochtones, qui se considèrent Turcs.
6- Après la fin de la guerre, le vilayet de Mossoul, à l’instar des autres régions occupées de l’Empire Ottoman, fut prise aux Turcs en violation des règles de l’armistice. Pour cette raison, il est nécessaire que Mossoul, comme les autres régions occupées, soient restituées à la Turquie.353
La Tanière du Lion
Après la fin de la Première Guerre Mondiale, l’Etat Profond Britannique tentait de parvenir à l’occupation d’Istanbul et de l’Anatolie par des opérations d’espionnage et a forgé des alliances avec d’autres pays Européens afin de consolider ses pas vers ses plus grands objectifs.
Les Puissances Alliées, vainqueurs de la Première Guerre Mondiale, partagèrent les régions sous mandat et le pétrole lors de la Conférence de San Remo, en Italie, le 25 avril 1920. La Grande-Bretagne obtint 75% des revenus pétroliers de Mossoul et reçut le contrôle des compagnies pétrolières. La France, quant à elle, s’est contentée de 25%. En outre, les Britanniques ont montré que « l’élection » du roi Faisal en Irak était une acceptation du mandat Britannique par la population locale et ont persuadé la Société des Nations à San Remo de l’accepter. Curieusement, bien que les mandats ne puissent être placés que par la Société des Nations à l’époque, sur incitation de la Grande-Bretagne, la règle a été appliquée dans l’ordre inverse.354
Les délégués à la conférence de San Remo, où les parties ont discuté de la manière dont le pétrole dans les anciennes terres Ottomanes devrait être partagé ainsi que les mandats respectifs. |
L’un des objectifs importants de la conférence de San Remo était la création d’un État Kurde autonome dans le sud-est de la Turquie. La Grande-Bretagne a suggéré la création d’un État Kurde indépendant ou d’une fédération de tribus, qui devrait être libre de tout contrôle officiel des autres puissances. Cependant, en raison des réserves de la France, la proposition a été rejetée, ce qui a incité les Britanniques à changer de stratégie. Cette nouvelle stratégie permettrait aux Kurdes non seulement d’acquérir une autonomie locale, mais aussi de demander à la Société des Nations une indépendance totale dans un délai d’un an.355 Cette évolution révélait clairement les véritables intentions de l’Etat Profond Britannique. L’aspiration à construire un Etat Kurde indépendant a toujours été leur véritable objectif et l’une des principales raisons de la question de Mossoul. L’Etat Profond Britannique a estimé qu’un tel objectif, comprenant le sud-est de la Turquie, était un objectif crucial et espérait que cela affaiblirait les Turcs et qu’il aiderait même à les expulser d’Anatolie.
Le 19 mai 1920, lors de la conférence de San Remo, le Premier Ministre Britannique, Lloyd George, a déclaré que les Kurdes ne pourraient pas survivre s’ils n’étaient pas soutenus par une grande puissance et révélait l’approche de l’Etat Profond Britannique en la matière:
Il sera difficile de convaincre tous les Kurdes d’accepter un nouveau protecteur, car ils sont habitués à la gouvernance Turque … Mossoul, dont les zones montagneuses abritent les Kurdes, et le Kurdistan du Sud, qui les contient, préoccupe les intérêts britanniques. On pense que la région de Mossoul peut être séparée des autres régions et se joindre à un nouvel État Kurde indépendant en devenir. … Cependant, il sera très difficile de résoudre ce problème par un accord.356
Braves soldats Turcs de la Guerre d’Indépendance |
Lorsque les vainqueurs ont forcé les pays vaincus à signer des traités, les Turcs ont fait exception. Bien que le gouvernement d’Istanbul, désormais sans effet, ait signé le traité de Sèvres, le nouvel État Turc a catégoriquement refusé de le reconnaître. Ainsi commença une longue Guerre d’Indépendance pour les Turcs, même s’ils venaient de sortir de la Première Guerre Mondiale. Néanmoins, les Turcs ont réussi à chasser l’ennemi de leur pays et se préparaient maintenant à s’asseoir à la table de négociation de Lausanne dans une position plus forte que celle des autres pays vaincus. Les Puissances Alliées, ayant dû mettre fin à l’occupation de l’Anatolie après avoir fait face à l’héroïsme et au courage des forces d’Atatürk, ont tenté de vaincre les Turcs à la table de négociation de Lausanne. L’objectif principal de l’Etat Profond Britannique à Lausanne était de faire accepter le Traité de Sèvres aux Turcs. Ce qu’ils ont omis de prendre en compte, c’est que cette fois, l’administration turque était différente. Cet État turc représentait une nation altruiste, passionnée et invincible, qui a lutté avec acharnement sous la direction du grand Turc Mustafa Kemal, et a remporté une victoire phénoménale. Toutes les parties à Lausanne, notamment la Grande-Bretagne, allaient bientôt s’en rendre compte.
Les Efforts pour Provoquer les Kurdes d’Anatolie |
La Société pour la l’émergence du Kurdistan a été créée le jour de la signature de l’Armistice de Mudros, le 30 octobre 1918. Le principal attribut de cette société était ses liens étroits avec les autorités de l’Etat Profond Britannique et son rôle presque central dans les efforts d’espionnage britanniques. Mustafa Kemal lui-même a précisé que la société visait à établir un État Kurde indépendant sous protection étrangère.1 L’État Profond Britannique a utilisé de telles organisations comme couverture pour élaborer ses plans de création d’un État Kurde en Anatolie. Le 26 mars 1920, le Haut-Commissaire Britannique, l’amiral John de Robeck, a rendu ce plan très clair.
« Le Kurdistan doit se séparer de la Turquie et gagner son indépendance. Nous pouvons concilier les intérêts des Arméniens et des Kurdes. Seyyid Abdülkadir, chef du club kurde d’Istanbul (Société pour l’émergence du Kurdistan) et Şerif Pasha, délégué kurde à Paris, sont à notre service. »2 Şerif Pasha susmentionné est la personne qui a lancé les mouvements séparatistes en Anatolie sous la direction de l’Etat Profond Britannique. Avec le cheikh Abdülkadir, il s’est assuré que le Traité de Sévres comportait une clause sur un « état Kurde indépendant ». Cependant, ce plan de l’État Profond Britannique n’a rien donné. En avril 1919, les tribus que le « Major Noel » travaillait à attirer du côté Britanniques se sont juré de se battre du côté de l’Empire Ottoman contre les occupants jusqu’à leur dernier souffle. Un télégramme envoyé par le Haut-Commissariat Britannique à Londres révèle que 30 000 Kurdes se battraient aux côtés de Mustafa Kemal Pacha dès le commencement de la Guerre d’Indépendance Turque. À peu près au même moment, les chefs tribaux Kurdes assistaient au congrès d’Erzurum et ont été élus au comité représentatif. Şerif Pacha et Cheikh Abdülkadir, espions et sbires de l’Etat Profond Britannique, ont fait de la propagande en affirmant que les Kurdes voulaient quitter l’Empire Ottoman. Cette propagande a conduit les dirigeants Kurdes de tout le pays à envoyer d’innombrables télégrammes en prêtant le serment d’allégeance au Parlement Ottoman, puis au Parlement Turc à Ankara.3 Un télégramme envoyé au Parlement turc le 26 février 1920 se lit comme suit: « Nous avons appris les efforts séparatistes du traître et hérétique Şerif Pasha, visant les Kurdes. Les Turcs et les Kurdes sont de vrais frères de sang et de religion. Ils partagent la même terre, les Kurdes n’envisagent jamais de quitter la communauté Ottomane ou l’Union Islamique, ils souhaitent vivre au sein de l’Union Islamique jusqu’à la fin du monde. Nous déclarons par la présente au monde entier que nous désavouons fermement les activités de Şerif Pasha et d’autres efforts similaires et que nous sommes fidèles à notre gouvernement. » Le télégramme a été signé par: Le maire Ali Riza, Yusuf le chef de la tribu Keçel, Seyit Ali le chef de la tribu Abbasi, Hüseyin le chef de la tribu Kelani, Paşa Bey le chef de la tribu Balanlı, Çiçek le chef de la tribu Baratli, Yusuf le chef de la tribu Aşranlı. Des érudits religieux: Sheikh Saffet, Sheikh Hacı Fevzi, Mufti Osman Fevzi. Des milieux d’affaires: Arapzade Ahmet, Ruhzade Halis, Tavşanzade Recep, Hacı Eşbehzade Şükrü, Müftüzade Hakkı. De la noblesse; Hacı Mehmet, Çapıkzade Münir, Ahmet Paşazade Şemsi, Beyzade Sami.4 Après l’ouverture de la Grande Assemblée Nationale Turque à Ankara, des télégrammes similaires y ont également été envoyés. Les procès-verbaux du parlement indiquent clairement que des télégrammes ont été reçus des habitants de Solhan, Çemişkezek, Hasankeyf, Kangal, Palu, Bitlis, Adıyaman, Kahta, Ahlat, Hizan, Şirvan, Şırnak pour protester contre les mouvements séparatistes et ont prêté allégeance au Parlement. Ces télégrammes ont été lus au Parlement. Le télégramme commun suivant des chefs de tribus montre clairement la décision d’unité des Kurdes: « Soyez informé que nous aiderons et assisterons notre gouvernement de toutes nos forces pour assurer la paix dans le cadre du Pacte National et que nous ne souhaitons jamais entendre que l’identité Kurde est traitée séparément au sein de la Grande Assemblée Nationale de la République de Turquie. En vous souhaitant le succès, nous vous présentons nos plus sincères salutations. » Signataires: Hacı Sebati, chef de la tribu Izoli, Mehmet, chef de la tribu Aluçlu, Halil, chef de la tribu Bariçkan, Hüseyin, chef de la tribu Bükrer, Halil, chef de la tribu Zeyve, Hüseyin, chef de la tribu Deyukan et Mehmet le chef de la tribu Cürdi. Des érudits religieux: Bekir, Sıtkı, Rüştü, Avni, Halil, Hafız Mehmet. De la noblesse: İzdelili Fehim, Hüseyin, Bulutlu İbrahim, Nail, Zabunlu Halil, Sadık.5 Apparemment, à la fin de la Première Guerre Mondiale, l’État Profond Britannique cherchait à attiser les problèmes non seulement à Mossoul et à l’intérieur des frontières Irakiennes, mais aussi en Anatolie entre Kurdes et Turcs. Cependant, la plus grande réponse à ce plan insidieux est venue à nouveau de notre peuple Kurde. Les membres du parlement Turc à Ankara et le peuple Kurde ont déclaré au monde entier – et en particulier à l’État Profond Britannique – que les Kurdes et les Turcs sont unis. L’Etat Profond Britannique, ayant échoué dans ses projets avec Şerif Pasha, tentera une nouvelle tentative après Lausanne et cherchera à utiliser Sheikh Said cette fois. |
1. « Kürdistan Teali Cemiyeti » (Société pour l’émergence du Kurdistan), Wikipedia, https://tr.wikipedia.org/wiki/K%C3%BCrdistan_Teali_Cemiyeti
2. Ibid. 3. Van Bruinessen, Ağa, Şeyh ve Devlet (chef tribal, cheikh et État), translated by Banu Yalkut, Istanbul: İletişim Yayınları, 2004, p. 27 4. Meclis-i Mebusan Zabıt Ceridesi (Procès-verbaux du Parlement), Session LV, vol. 1, p. 208 5. Sibel Özel, « Anayasa M. 66/I Hükmünde Yer Alan Türk Tanımı Üzerine Bir Değerlendirme », Baro Dergisi, vol. 86, no. 2012/6, 2012, p. 48 |
A la Recherche d’une Solution pour Mossoul
Le gouvernement Turc a demandé la tenue de la conférence à Izmir, car la communication entre Lausanne et la Turquie serait difficile. La véritable raison de cette demande était leur désir de suivre de près l’évolution de la conférence et d’empêcher la perte des acquis sur le champ de bataille à la table de négociation. Cependant, selon les usages internationaux, la conférence devait se tenir sur un terrain neutre. Par conséquent, l’invitation à Lausanne a été acceptée à la suite d’une réunion au TBMM (la Grande Assemblée nationale de Turquie) le 29 octobre 1922.
Certaines des propositions et suggestions discutées au Parlement Turc concernant Mossoul avant le départ des délégués sont les suivantes:
La Frontière Irakienne:
Les délégués demanderont que Souleimaniye, Mossoul et Kirkouk soient redonnées à la Turquie. Si une situation imprévue se présente pendant la conférence, les instructions du Conseil des ministres devraient être attendues. Certains privilèges économiques, par exemple le privilège des opérations pétrolières, peuvent être offerts à la Grande-Bretagne.
La Frontière Syrienne:
La frontière avec la Syrie devrait être poussée plus au sud et au sud-est. Les meilleurs efforts seront fournis pour rectifier cette frontière. La frontière devrait commencer à Re’si ibn Hayr, continuer le long de la route Harm, Al-Muslimiyah, Maskanah et l’Euphrate, Deir Ez-Zor et enfin se terminer à Mossoul pour la frontière sud.
La frontière syrienne souhaitée serait reliée à Mossoul, Souleimaniye et Kirkouk et compléterait la frontière sud du Pacte National. Cette instruction brève mais définitive reposait essentiellement sur le Pacte National et exigeait que les problèmes de certains territoires non résolus avec l’Armistice des Mudros soient résolus (les Détroits, Istanbul et la Thrace Orientale).357
Mustafa Kemal a clairement indiqué à plusieurs reprises qu’il considérait Mossoul comme une terre Turque et qu’il n’accepterait pas le mandat Britannique. Par exemple, le 25 décembre 1922, il a expliqué sa position claire sur Mossoul lors d’une interview qu’il a donnée à Paul Herriot du ‘Le Journal’ à Çankaya:
Nous avons déclaré à plusieurs reprises que le vilayet de Mossoul est une terre qui fait partie de nos frontières nationales. Les parties qui s’opposent à nous à Lausanne le savent parfaitement. Nous avons fait de grands sacrifices pour construire les frontières de notre pays. Nous avons adopté une attitude pacifique, même si c’était contre nos intérêts. À partir de maintenant, essayer de séparer la plus petite partie de notre territoire national de la Turquie serait extrêmement injuste. Nous ne l’accepterons jamais.358
Lors des négociations avec la Grande-Bretagne sur Mossoul, les Turcs protestaient à Berlin avec le slogan suivant: « Mossoul restera une terre Turc ». (22 octobre 1925)
Pendant la Guerre d’Indépendance, le plan de Mustafa Kemal a toujours fait de Mossoul une partie intégrante du territoire de la Turquie et il a clairement exprimé ses intentions à de nombreuses reprises. Lorsque l’envoyé spécial du journal Tanin a envoyé un télégramme à Mustafa Kemal et l’a interrogé sur le vilayet de Mossoul359, Mustafa Kemal a répondu à Amasya le 22 octobre 1919 et a déclaré: « Le vilayet de Mossoul est à l’intérieur des frontières qui étaient en vigueur le jour de la signature du cessez-le-feu, soit le 30 octobre 1918. Il s’agit d’une province à majorité musulmane qui ne quittera jamais les Ottomans.« 360
Mustafa Kemal, le 28 décembre 1919, au lendemain de son arrivée à Ankara, a prononcé un discours devant ses visiteurs et a cité Mossoul, Kirkouk et Souleimaniye parmi les lieux sous contrôle Turc le jour de la signature du cessez-le-feu et a réaffirmé que ces lieux faisaient partie des frontières nationales.361
Lorsque le correspondant du The United Telegraph a demandé à Mustafa Kemal comment les nationalistes Turcs voyaient les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, dans une interview du 17 janvier 1921, il a déclaré que les Etats-Unis étaient plus amicaux et continuaient: … En ce qui concerne la Grande-Bretagne, notre nation est offensée par son attitude impérialiste et exploiteuse.362
Mustafa Kemal a également expliqué pourquoi Mossoul était importante pour les Britanniques:
Mossoul est très importante pour les Britanniques car c’est la région la plus proche du Kurdistan. Les Britanniques souhaitaient garder Mossoul pour diverses raisons parce que Mossoul est la voie la plus proche de l’Union soviétique, de l’Iran et la région la plus pratique pour faire pression sur la Turquie.363
Arrivé à Ankara le 27 décembre 1919, Mustafa Kemal a compté Mossoul, Kirkouk et Souleymaniye à l’intérieur des frontières nationales dans le discours qu’il a prononcé le lendemain. |
Autrement dit, Mustafa Kemal était parfaitement conscient du fait que l’Etat Profond Britannique s’est focalisé sur Mossoul afin de pouvoir coincer la Turquie, et il savait que Mossoul allait être l’un des sujets les plus difficiles à Lausanne.
Winston Churchill, alors Secrétaire d’État aux Colonies, a déclaré le 12 septembre 1922: « Si la Grande-Bretagne et Ankara sont obligées de se battre, il semble inévitable que les forces kémalistes marcheront vers Mossoul. Dans un tel cas, même si les Britanniques perdent ces terres par la guerre, ils doivent les récupérer non par des moyens militaires, mais lors de la Conférence de la Paix. »364
Étant donné que Churchill a travaillé sous les auspices de l’État Profond Britannique pendant toute sa carrière politique, ses propos démontrent clairement l’approche de l’État Profond Britannique dans ce domaine. Sans surprise, ses instructions ont été suivies avec précision.
Les Pourparlers Commencent à réviser
Le nouvel Etat Turc avait gagné la bataille pour son indépendance et était donc reconnu par les états Occidentaux – sauf un: la Grande-Bretagne.
Cette attitude des Britanniques s’est poursuivie tout au long des négociations de Lausanne. L’administration de Londres était déterminée à ne pas considérer la Turquie comme un État égal ou souverain et, à cause de cette attitude, les négociations risquaient d’être suspendues plus d’une fois et se sont même interrompues en février 1923.365
Sans surprise, les séances sur Mossoul ont connu quelques échanges des plus enflammés et des plus tendus.
Le Premier Ministre Britannique Bonar Law et le Secrétaire d’État aux Colonies ont chargé Lord Curzon – qui était le représentant de la Grande-Bretagne à Lausanne – que les négociations devraient se poursuivre sans suspension et qu’il devrait convaincre la partie Turque. À l’époque, le Secrétaire d’État aux Colonies croyait à tort que le gouvernement Turc renoncerait à ses revendications sur Mossoul en échange de 20% des recettes pétrolières.366
İsmet İnönü et son assistant Rıza Nur, qui représentaient la partie Turque, ont affirmé que Mossoul était un vilayet Turc et que tous les Kurdes qui y vivaient étaient des citoyens Turcs. La délégation du Parlement Turc a expliqué en détail le cas Turc avec des preuves politiques, historiques, ethnographiques, géographiques, économiques et militaires.
İsmet Inönü et la délégation Turque aux pourparlers de Lausanne |
Ismet Pacha a clarifié son propos avec les mots suivants:
La Grande Assemblée de la République Turque est le gouvernement des Kurdes autant que les Turcs. Les Kurdes ont également des représentants à la Grande Assemblée Nationale. Le peuple Kurde et ses représentants à l’Assemblée n’acceptent pas la séparation de leurs frères du vilayet de Mossoul du continent.367
Cependant, Lord Curzon, pour tenter de réfuter l’argument de İsmet Pasha, affirmait que les représentants Kurdes au Parlement Turc ne représentaient pas le peuple Kurde, qu’ils avaient été nommés par Mustafa Kemal, n’avaient aucun droit de représentation et avait même sous-entendu que leur élection était douteuse: « Quant aux représentants Kurdes d’Ankara, je me demande comment ils ont été élus ».368
Yusuf Ziya Bey, député Kurde représentant Bitlis, a parfaitement répondu à cette allégation lors de son discours au Parlement le 25 janvier 1923:
Apparemment, nos délégués à Lausanne n’ont pas donné la réponse nécessaire à ces accusations. Nous sommes les véritables représentants des terres Kurdes et nous ne sommes pas ici par nomination, mais par élection. Nous avons participé aux élections sans aucune pression. Si le peuple Kurde voulait la séparation, il n’aurait pas participé à cette élection. Les Kurdes ont participé à ces élections malgré tous les efforts des Britanniques avec leurs offres d’or. Les Kurdes partagent le même objectif que leurs frères Turcs.369
Lord Curzon lors des négociations de Lausanne |
Les déclarations des autres députés Kurdes qui ont prononcé des discours au Parlement doivent également être rappelées. Un exemple notable est Diyab Ağa, le représentant de Dersim âgé de 70 ans, qui était également l’un des noms symboliques de la Guerre d’Indépendance Turque. Il a dit:
Nous connaissons et disons tous que notre religion, nos affaires religieuses, nos origines et nos ancêtres sont tous un. Nous n’avons aucune différence ou querelle. Notre nom, religion, notre Dieu est Un.
Lorsque les députés ont demandé à Diyab Ağa ce qu’il avait dit à la délégation qui s’était rendue à Lausanne, il a répondu comme suit:
Que Dieu les aide. Que Dieu donne le meilleur résultat. Dieu merci, ceux qui sont allés là-bas sont de bonnes personnes, pieuses et dévotes… Nous sommes tous unis. Il n’est pas question d’identité Turque ou Kurde. On ne fait qu’un; nous sommes frères (interrompus par des applaudissements et des bravo). Un homme peut avoir cinq, dix fils. L’un pourrait s’appeler Hasan, un autre Ahmed, Mehmed, Hüseyin. Mais ils sont tous unis. Voici comment nous sommes. Il n’y a pas de différence entre nous (suivi de «bravo»). Mais les ennemis complotent pour nous retourner les uns contre les autres. Ils essaient de semer l’animosité en disant: « Vous êtes comme ça, je suis comme ça, etc. »… Nous sommes des frères. Notre religion, culture est une. Certaines personnes ne le savent pas. Ils disent beaucoup de choses, mais ils ne le savent pas. Ce n’est pas comme ça. La ilaha illa Allah Mohammad Rassul Allah [Dieu est Un et Mohammad est Son Messager]. C’est ça. (Applaudissements assourdissants et bravos).370
Süleyman Necati (Güneri) Bey, un député d’Erzurum qui a par la suite pris la parole, a déclaré que « la majorité des personnes qui ont voté pour lui étaient Kurdes », il a souligné le concept de « fraternité des terres » et a répété que les Turcs et les Kurdes avaient la même histoire, qu’ils n’étaient pas différents, et qu’il n’y avait pas de minorités raciales en Turquie.
L’hôtel où la délégation Turque a séjourné pendant les négociations de Lausanne |
Yusuf Ziya Bey, un député de Bitlis, lors d’un autre discours, a déclaré ce qui suit à propos des minorités selon la langue et les différences raciales:
Les Européens disent: » les Kurdes sont la plus grande minorité en Turquie ». Je suis un vrai Kurde. Et en tant que membre Kurde du Parlement, je peux vous assurer que les Kurdes ne veulent rien. Ils ne veulent que le bien-être et la sécurité des Turcs, leurs grands frères (Applaudissements forts). Nous, Kurdes, avons volontairement piétiné tous les droits que l’Europe voulait nous donner avec cette excuse de traité, appelée Sèvres, et nous leur avons rendu. Rappelez-vous comment nous nous sommes battus à Al Jazeera (péninsule arabique) (une autre série d’applaudissements). Rappelez-vous comment nous nous sommes sacrifiés et avons rejoint les Turcs, nous ne les avons pas quittés et nous ne voulions pas les quitter. Nous ne les quittons pas et ne voulons pas les quitter (une autre série d’applaudissements). En terminant, je demande à nos délégués [à Lausanne] de s’assurer que lorsque la question des minorités se pose, qu’ils affirment clairement que les Kurdes n’ont aucune revendication ou exigence et qu’ils répètent mes paroles ici en tant que porte-parole du peuple Kurde… 371
Durak (Sakarya) Bey, qui était député d’Erzurum, a déclaré que tout au long de l’histoire de l’Islam, les Turcs et les Kurdes se sont mélangés et que les familles se sont unies en Anatolie.372
Dans une motion présentée au nom des députés de Mardin, la délégation Turque à la Conférence de Lausanne a été invitée à déclarer que les Turcs et les Kurdes étaient un tout. Le député Van Hakkı Ungan Bey a déclaré qu’il fallait préciser à Lausanne que les Kurdes ne pouvaient pas être différenciés des Turcs.373
Sans aucun doute, ni la population Kurde de Mossoul, ni celle d’Anatolie, ne se voyaient différemment des Turcs et il n’était pas possible de les séparer les uns des autres. Les indigènes voulaient vivre sous le même toit que les Turcs et les Kurdes, comme avant, autrement dit, ils voulaient continuer à vivre sous la gouvernance Turque. Même les Arabes ne voulaient pas le mandat Britannique et ont déclaré « c’est soit la gouvernance Turque, soit l’indépendance ». À tel point que les Kurdes enrôlés par le gouvernement Irakien ont eu tendance à se tourner du côté des Turcs.375
Kurd Reşo reçoit la médaille de la Guerre d’Indépendance |
Kurdes et Turcs sont deux nations fraternelles qui ont cohabité pacifiquement pendant près de mille ans. L’histoire de ‘Kurd Reşo’, qui a fait preuve d’une incroyable bravoure pendant la Guerre d’Indépendance de la Turquie, n’est qu’un exemple de cette unité. |
Avant la guerre, dans la région couvrant Mossoul, Kirkouk, Souleimaniye et Erbil, les langues utilisées pour écrire étaient le Turc, l’Arabe et le Persan. Cependant, les Britanniques de la région ont pris l’initiative de développer la langue Kurde et sa forme écrite. Après un certain temps, les autorités Britanniques ont transformé le Kurde en outil de communication. Bien que les populations locales aient insisté pour utiliser l’Arabe et le Turc dans leur vie quotidienne et dans leurs correspondances, l’État Profond Britannique était catégorique sur le Kurde. Ils ont stipulé que même les journaux devraient être imprimés en Kurde. Encore une fois, l’Etat Profond Britannique a travaillé à éliminer le Turc comme langue écrite et a interdit son utilisation dans les correspondances privées. L’État Profond Britannique a également tenté de supprimer le Turc comme langue officielle dans la région et a mené une politique délibérée d’anéantissement visant les Turcs et le Turc dans le vilayet de Mossoul.
L’académicien et auteur İhsan Şerif Kaymaz explique la situation comme suit:
Il est clair que la Grande-Bretagne, après avoir compris que le Kurdistan ne sera pas établi de sitôt, est en train d’élaborer des plans à long terme pour créer une identité nationale Kurde afin de construire le Kurdistan. Les fruits de ces efforts seront récoltés dans quelques décennies et un processus qui créera de graves problèmes pour l’avenir de la Turquie et de la région sera donc entamé.376
Deux peuples qui ont vécu ensemble pendant presque mille ans, qui se sont mélangé et construit des familles, ont été déchirés avec force selon un plan profond dans un contexte de guerre. L’architecte du plan était l’État Profond Britannique, auteur de toutes les séparations et divisions. Au profit de ses propre intérêts, il a accepté de diviser une nation et, en effet, comme les pages suivantes l’étudieront plus loin, les a menacés et massacrés pour les amener à lui être redevable. L’État Profond Britannique a été l’architecte des politiques de division au cours de l’histoire. Personne ne pouvait leur résister et cette structure mafieuse n’a jamais été tenue responsable de ses activités. C’est pourquoi cette politique horrible continue aujourd’hui. Aujourd’hui, les complots autour de l’Anatolie du sud-est sont les mêmes que ceux concoctés pour Mossoul au début du 20ème siècle. L’Etat Profond Britannique a été derrière chacun d’entre eux.
La stratégie poursuivie par l’Etat Profond Britannique à Lausanne pour semer la zizanie entre entre les Turcs et les Kurdes doit être bien étudiée, car les plans de l’époque se déroulent une fois de plus en Anatolie du Sud-Est à travers le PKK.
(1) Une femme Kurde avec son enfant dans l’Empire Ottoman (2) Femmes Kurdes, Arméniennes et Turques de l’Empire Ottoman |
Les Intrigues Britanniques
Ismet Pacha, chef de la délégation Turque à Lausanne, a envoyé un télégramme à la Turquie le 28 décembre 1922. Il était convaincu que les Britanniques n’avaient absolument aucune intention de quitter Mossoul. Seule une petite rectification de la frontière au nord de Mossoul serait faite et la question serait discutée à l’amiable.
Peu de temps après, le Général Britannique Townshend a fait une déclaration surprenante à İsmet Pasha. Il a dit que la Grande-Bretagne abandonnerait Mossoul et qu’ils ne seraient pas la cause d’une autre guerre. Il a ajouté que, dans un délai d’un an, les forces Britanniques se retireraient de Mossoul et que, par la suite, les Arabes se révolteraient contre le Roi Faisal et que les Turcs pourraient entrer sans problème à Mossoul.377
Clairement, l’Etat Profond Britannique avait un agenda secret. Les membres de l’Etat Profond emploieraient toutes les tactiques pour prendre le dessus dans les négociations tendues et recourraient à toutes les méthodes pour égarer les délégués Turcs et les mettre sur la mauvaise voie. En effet, dans un autre télégramme, Ismet Pasha a déclaré que les Britanniques cherchaient à retirer le dossier de Mossoul du périmètre de Lausanne; il devait être discuté plus tard et transformé en un problème entre les deux États.378
Néanmoins, İsmet Pasha a vu à travers leurs plans, n’a pas trouvé leurs suggestions convaincantes et a eu recours à l’aide du gouvernement français dans un premier temps. Cependant, la France a déclaré que le problème de Mossoul devait être résolu entre les Turcs et les Britanniques.
Au même moment, les dissidents devenaient plus bruyants au Parlement Britannique. Bien que Curzon ait prétendu que c’était à cause de l’obstination de İsmet Pasha que la question de Mossoul était toujours un problème, cela a été considéré comme un échec de Curzon au Parlement Britannique et une campagne contre lui a commencé. Le 8 décembre 1922, l’ancien Premier Ministre Bonar Law a écrit une lettre à Curzon et a clairement exprimé sa position sur la question:
… Il y a une grande campagne lancée contre vous. Plus récemment, la lettre que Gounaris vous a écrite le 15 février a été rendue publique. La prétendue affirmation que vous étiez la raison derrière l’échec Grec et non pas Lloyd George est utilisée comme une arme contre vous. Une question parlementaire a été soumise pour savoir si le Cabinet était au courant de ces lettres. Et j’ai dit oui. La question a été examinée mais aucune conclusion n’a pu être tirée. Il est très important pour nous que votre nom ne soit pas mentionné non seulement dans la liste du Bureau des Affaires Etrangères, mais également dans les listes que Horne et Austen ont laissées à leurs successeurs. Alors, soyez rassuré. Ils ne peuvent jamais vous blâmer pour ce problème.379
Il semble que Curzon était sous une pression immense de la part de l’Etat Profond Britannique et a été contraint de ne pas transiger sur la question de Mossoul. À cause de cette pression, Curzon a fait de son mieux pour ne pas céder sur la question de Mossoul à Lausanne, car il s’agissait d’un levier important pour l’État Profond Britannique.
Scènes de Mossoul à l’époque où elle faisait l’objet de débats intenses lors des négociations de Lausanne |
Voyant qu’il n’y avait pas d’accord avec Lord Curzon sur Mossoul, Ismet Pasha envoya l’économiste Turc Rüstem Bey et Şeref Bey, ancien Ministre du Commerce et des Chemins de Fer, à Bonar Law, le Premier Ministre Britannique qui ne souhaitait pas la suspension des négociations. Ce mouvement a irrité Lord Curzon. Le 11 janvier 1923, il écrivit une lettre sévère au diplomate Britannique Sir Eyre Crowe et déclara qu’à moins de mettre fin aux pourparlers avec les représentants Turcs, il se retirerait des négociations à propos de Mossoul.380
Plus tard, le 17 janvier 1923, Curzon a envoyé une autre lettre avec le même ton sévère à Walter Hulme Long, Secrétaire d’État aux Colonies.381 Il a dit:
En tant qu’ancien collègue et ami, puis-je vous poser la question suivante: comment pouvez-vous vous mêler des questions que je traite ici? L’autre jour, Rickett, que vous connaissez très bien, était là. En se livrant à des manigances derrière mon dos et en trompant İsmet Pacha, il l’a convaincu d’envoyer trois représentants à Londres, avec lesquels je suis sûr que vous êtes familier.382 Ces représentants se rendirent à Londres pour offrir des concessions pétrolières en échange du retour de Mossoul aux Turcs. En revanche, j’avais clairement affirmé que j’étais catégoriquement contre cette idée et que je ferai tout pour défendre Mossoul et, avec la politique que je poursuivais, je voulais faire en sorte que les Turcs ne rêvent pas de ces terres, ni aujourd’hui, ni dans le futur. Rickett a dû convaincre les Turcs qu’il avait une grande influence sur vous et Bonar Law, et les Turcs pensaient que s’ils se rendaient à Londres, ils pourraient en quelque sorte reprendre Mossoul. Bien sûr, je ne peux pas savoir à quel point vous savez ce qui se passe. La seule chose que je sais, c’est que vous ne chercheriez pas délibérément à rendre mon travail plus difficile et à nuire aux intérêts de votre pays. Veuillez rester à l’écart de cette aventure pétrolière. De nombreux actes honteux sont impliqués dans cette affaire que vous ignorez et qui peut tacher une personne innocente tôt ou tard. Rickett est certainement une personne peu fiable. Je sais ce qu’il a dit aux Turcs et ce qu’il a dit à Sir G. Armstrong.383
Les nombreux actes honteux auxquels Lord Curzon a fait allusion étaient les sales tours que l’Etat Profond Britannique organisait derrière la scène.
Un autre détail important était que les services de renseignement Britanniques avaient illégalement intercepté les télégrammes Turcs. Avec un système spécial de décodage par radio-télégramme installé à Istanbul par les Britanniques, ils pouvaient intercepter et décoder les télégrammes envoyés par le gouvernement Turc à Lausanne et les envoyer à Londres avant que la délégation Turque puisse les obtenir à Lausanne. Après avoir reçu leurs instructions, ils s’asseyaient à la table, pleinement conscients de l’effet de levier des Turcs. Rumbold, chef de la délégation Britannique à Lausanne, a annoncé cela avec joie à son ami Lancelot Oliphant au Bureau des Affaires Etrangères le 18 juillet:
Les informations que nous avons obtenues aux moments psychologiques de sources secrètes nous ont été d’une valeur inestimable et nous ont mis dans la position d’un homme qui joue au jeu de bridge et qui connaît les cartes qui sont dans la main de son adversaire.384
Cela a permis à Lord Curzon et à son assistant Rumbold de savoir quand les Turcs pouvaient se permettre d’être plus flexibles. En surveillant de près leurs stratégies futures, sur la base de ces connaissances, ils insisteraient soit sur une condition, soit renonceraient tout en sachant qu’il serait inutile de faire pression sur İsmet Pacha. Cette information a également permis à l’Etat Profond Britannique d’identifier des points que la partie Turque serait plus encline à discuter. Évidemment, l’Etat Profond Britannique n’a pas hésité à appliquer sa politique de renseignement sinistre même lors des négociations de paix et a tenté de gagner Mossoul à travers des complots et des ruses. C’était plus qu’un désir d’obtenir le contrôle des recettes pétrolières et des routes commerciales. Mossoul était la première étape d’un plan centenaire contre la Turquie.
La Société des Nations = La Grande-Bretagne
Comme mentionné précédemment, les discussions au sujet de Mossoul ont été les plus longues et les plus animées lors de la Conférence de Lausanne. Aucune des parties n’a voulu faire de compromis, mais l’emprise féroce de l’Etat Profond Britannique sur la question de Mossoul a, à certains moments, ramené les deux pays au bord de la guerre. Lord Curzon a fait des manœuvres destinées à mener les négociations dans une impasse et a demandé que la question soit résolue par la Société des Nations. Cependant, la Turquie n’était pas membre de la Société des Nations à l’époque et savait parfaitement que la Grande-Bretagne avait le lobby nécessaire pour assurer le passage des décisions en faveur de la Grande-Bretagne.
Pour surmonter l’impasse, Ismet Inönü a proposé une nouvelle voie. Un ‘référendum’ pourrait être organisé dans la région afin que les Kurdes puissent prendre leur décision. Cependant, sachant que le résultat serait contre la Grande-Bretagne, Lord Curzon a refusé la proposition. L’historien Sevtap Demirci explique pourquoi Lord Curzon a rejeté l’idée:
Lord Curzon dit qu’un référendum ne peut jamais être accepté. Pourquoi? Parce que c’est un processus laborieux. Vous devez trouver des ânes, vous devez trouver des papiers, charger les papiers sur les ânes, les envoyer dans les montagnes, vous rendre chez les Kurdes et leur demander: « Voulez-vous rester avec la Turquie? Voulez-vous rester sous mandat Britannique en Irak? » « Ces Kurdes », je répète les mots exacts dans le document « Ces Kurdes vont manger ces papiers ». C’est pourquoi ils disent, oubliez tout simplement le référendum. Savez-vous pourquoi ils font ça? Connaissez-vous les raisons derrière cela? Cette région envoie régulièrement des renseignements au Bureau des Affaires Etrangères et donc à Lord Curzon. J’ai lu des centaines de rapports de renseignements. Ils soulignent tous une seule vérité: si dans les circonstances du moment, un référendum était organisé et qu’on demandait aux Kurdes de Mossoul « qui souhaiteriez-vous rejoindre? » 99% choisiraient la Turquie. Tout ceci figure dans les rapports de renseignement Britanniques. Les Britanniques ont dit: « nous perdrons Mossoul, alors nous ne pourrons jamais laisser les Turcs organiser un référendum ici et demander aux Kurdes ce qu’ils veulent »…385
L’académicien, historien et auteur İhsan Şerif Kaymaz explique comment Curzon, selon sa propre mentalité, a essayé d’insulter le peuple Kurde:
Curzon a fait valoir que ce n’était pas la question de choisir à qui Mossoul allait être rattachée, et que la frontière n’était qu’une simple question technique et qu’aucun référendum ne pouvait donc y être organisé. Par conséquent, il a déclaré que le référendum était hors de question là-bas et que la population et la culture ne lui convenaient pas, car les gens étaient analphabètes et n’avaient jamais vu d’urne dans leur vie. Il a même utilisé certains propos injurieux et offensants pour prouver son point de vue et a prétendu que cela pouvait mener à des conflits et même à des effusions de sang. Par conséquent, il a déclaré qu’au lieu de cela, il fallait recourir à la Société des Nations.386
Ces propos offensants à l’égard des Kurdes montrent que l’idée que se fait l’Etat Profond Britannique des Kurdes n’était pas si différente de ses horribles idées d’aujourd’hui. Le peuple Kurde est au-dessus de ces déclarations qui franchissent certainement les limites. Ces remarques de Curzon révèlent que Curzon savait que l’État Profond Britannique n’aurait aucune influence sur les habitants de la région. Ces remarques illogiques de mauvais goûts, lancées dans le but d’empêcher un référendum potentiel, ont presque prouvé que l’Etat Profond Britannique ne pourrait jamais gagner la confiance des Kurdes et des Arabes de Mossoul. L’État Profond Britannique aurait pu prendre le contrôle de la région par le biais de politiques trompeuses et de violences, mais n’a jamais réussi à gagner la confiance des habitants de la région.
L’Etat Profond Britannique a insisté pour que la question de Mossoul soit portée devant la Société des Nations, car elle savait pertinemment que cette institution, qu’elle maintenait sous pression, prendrait des décisions Conformément à ses demandes. |
Mossoul Rejette le Mandat Britannique
Les habitants de Mossoul sont des citoyens Turcs, composés par des Arabes, des Turcs et des Kurdes, qui ont vécu ensemble pendant 700 ans sous la gouvernance Turque. Les séparer de la gouvernance Turque revient à les séparer de leur patrie. Conscient de tout cela, afin de « convaincre » le public, l’Etat Profond Britannique a recouru à sa méthode habituelle: la violence.
Le gouvernement d’Ankara, dans un effort pour contrebalancer le changement de pouvoir contre la Grande-Bretagne vis-à-vis de Mossoul, a signé un accord avec la compagnie américaine Chester et lui a accordé de vastes privilèges pour la construction de chemins de fer et l’exploration de mines, et lorsque le Parlement Turc a approuvé l’accord, les Britanniques sont furieux. Quoi qu’il ait pu faire, l’État Profond Britannique ne pouvait tout simplement pas obtenir le contrôle qu’il souhaitait sur Mossoul. Lorsque le peuple s’est levé contre le mandat Britannique et contre le roi Faisal d’Irak nommé par les Britanniques, les Britanniques ont violemment réprimé les manifestants.387 Les forces Britanniques ont exercé des pressions sur les tribus Turques et ont arrêté les chefs de tribus. En particulier, les habitants de Kirkouk et de Souleimaniye ont continué à rejeter le mandat Britannique malgré les violentes tactiques de répression des Britanniques.388
Photos montrant la vie quotidienne à Mossoul en 1902, qui faisait alors partie de l’Empire Ottoman. Le système d’oppression introduit par l’Etat Profond Britannique persiste toujours à Mossoul. Même aujourd’hui, les habitants de Mossoul se souviennent avec amour de leurs jours paisibles sous la gouvrnance Ottomane. |
À Mossoul, les Kurdes ont déclenché une révolte contre le mandat Britannique et les avions de combat Britanniques ont violemment réprimé la manifestation. İhsan Şerif Kaymaz parle de ce massacre avec les mots suivants dans son précieux livre, basé sur les archives Britanniques:
En résumé, Churchill a réduit les forces terrestres pour réaliser des économies dans le budget de la défense et a renforcé les forces aériennes stationnées à Mossoul. Les Britanniques ont décidé d’utiliser l’armée irakienne et la milice assyrienne comme troupes au sol. Le but était de faire comprendre que le moindre geste des Kurdes de Mossoul serait puni de la manière la plus sévère possible. La méthode était cruelle mais efficace. Au bout d’un moment, même le bruit des avions de chasse qui s’approchaient, était suffisant pour « calmer » les tribus…
Des cités, des villes et des villages ont été frappés sans relâche par des frappes aériennes et ont ensuite été brûlés par des milices assyriennes. Les animaux et les récoltes des tribus censées soutenir les Turcs ont été anéantis. Des cités et des villes comme Köysancak, Raniye, Revanduz, Biraz, Kapra, Kale, Diza, Barzan, Derbet et Merga ont été en grande partie détruites… La tribu Barzan a été contrainte de choisir entre la famine et la capitulation. Mais la véritable horreur a commencé quand ils se sont rendus. La ville de Barzan et ses villages ont été détruits par la milice assyrienne…389
Photos montrant la vie quotidienne à Mossoul en 1902, qui faisait alors partie de l’Empire Ottoman. Le système d’oppression introduit par l’Etat Profond Britannique persiste toujours à Mossoul. Même aujourd’hui, les habitants de Mossoul se souviennent avec amour de leurs jours paisibles sous la gouvernance Ottomane. |
Le 4 février 1923, les pourparlers à Lausanne ont été suspendus. Seulement deux jours plus tard, Mustafa Kemal a déclaré à Izmir: « Ils essaient de nous enlever de force Mossoul et la région au sud de Mossoul de notre continent« 390
Cet horrible massacre perpétré à Mossoul montre clairement à quel point l’État Profond Britannique peut devenir sauvage pour obtenir le contrôle d’une région qu’il cible. En fait, cette stratégie ne diffère pas des politiques de génocide pratiquées en Afrique du Sud et en Inde. L’Etat Profond Britannique a massacré le noble peuple Kurde qu’il considérait à tort comme inférieur. Pour L’Etat Profond Britanniques, ces personnes pouvaient être utilisées dans une géographie précieuse sous divers prétextes. Cependant, comme il s’agissait de l’État Profond Britannique, personne n’a pu s’opposer à cette « illégalité » et personne ne pourrait qualifier ces massacres de « génocide » après la Première Guerre Mondiale, comme cela s’était déjà produit tant de fois.
Des personnes de confessions différentes réunies lors d’un rituel Orthodoxe à Mossoul en 1920. |
‘Opération Kurdistan’
L’historien Sevtap Demirci note que le projet Chester et la proposition de référendum ont également été parmi les raisons pour lesquelles les Britanniques ont violemment réprimé la révolte Kurde:
Il y avait un « O.K. » dans les archives que personne ne connaissait ou avait écrit. Je suis tombé dessus par hasard lors de mes recherches. J’ai donc commencé à chercher ce que ce « O.K. » signifiait. Je me suis dit que cela ne pouvait pas signifier « okay », car les rapports étaient complexes. Si c’était un « okay », ils n’auraient pas mis de points entre les deux. C’était ‘O’ point, ‘K’ point. C’était dans un petit endroit. Ainsi, des jours et des mois se sont écoulés et je ne l’ai pas trouvé dans les documents du Bureau des Affaires Etrangères, mais dans les documents du secrétaire d’État aux Colonies. Il s’est avéré que c’était le sigle de « Opération Kurdistan »… La Grande-Bretagne avait lancé le projet « Opération Kurdistan ». Si vous demandez quelle est cette opération, il n’y a pas de détails. Aucune information, aucun document, juste O.K.…
Dans le cadre de l’Opération Kurdistan, les Britanniques ont lourdement bombardé la région. C’était une opération très secrète, personne ne le savait. Une personne du quartier général de l’armée Britannique et une personne du cabinet ministériel … Personne n’était au courant. Ni le parlement, ni les alliés, personne. Pendant deux jours consécutifs, les Britanniques ont sans cesse pilonné Mossoul, Kirkouk et Souleimaniye. La deuxième phase des négociations à Lausanne devait débuter le 23 avril 1923. L’opération a pris fin le 22 avril à 12 heures. Le lendemain, lorsque la deuxième phase des négociations a commencé à Lausanne, la Turquie n’avait plus de personnes dans la région qui pourraient participer à un référendum. Cette opération a complètement mis fin à la possibilité d’un référendum. Si vous demandez combien de personnes sont mortes, je ne sais pas, trop de civils sont morts. Qu’est-ce que la Grande-Bretagne a voulu dire? Vous accordez ces privilèges aux États-Unis, mais vous ne pouvez pas prendre ces décisions sur ces terres sans ma participation. Et le deuxième résultat a été, en quelque sorte, de prendre en otage les tribus Kurdes soutenant la Turquie et les populations autochtones qui souhaitaient rejoindre la Turquie. Ainsi, au début de la deuxième phase des négociations, la Turquie n’était plus en mesure de suggérer un référendum.391
1. L’Irak après l’occupation Britannique 2. Soldats Britanniques en Irak en 1914 |
L’Etat Profond Britannique était conscient que, seulement s’il martyrisait tout le monde dans la région, il pourrait contrôler Mossoul. Pour cette raison, il a conservé sa tradition séculaire et ne s’est pas abstenue de massacrer brutalement des milliers de personnes innocentes, la population autochtone d’une région. Clairement, le massacre avait un but autre que le pétrole ou les routes commerciales. «Opération Kurdistan» était la raison de l’obstination de l’Etat Profond Britannique sur Mossoul. En effet, c’est la raison pour laquelle c’était si secret, et c’est pourquoi il n’existait aucun document officiel prouvant qu’elle ait existé. Alors que les pourparlers de Lausanne étaient en cours, l’État Profond Britannique avait mis au point son plan du Kurdistan, conçu il y a longtemps. Au centre se trouvait Mossoul, qui devait être prise de la Turquie. Le passage des Kurdes sous domination Britannique a marqué la première étape vers la construction de la question Kurde artificielle, qui durerait encore cent ans. L’État Profond Britannique était convaincu que le rêve de Gladstone de « ramener les Turcs dans les steppes de l’Asie Centrale » pourrait être réalisé de cette façon. Pour atteindre les objectifs, même détruire tout un peuple semblait banal.
L’Etat Profond Britannique n’a jamais voulu d’une forte présence Turque avec une influence sur l’Europe et le Moyen-Orient, et a tout fait pour l’en empêcher. |
La Turquie recule sur Mossoul
Jusque-là, la délégation Turque était déterminée à reprendre Mossoul, mais avec le nouveau développement, elle a été obligée d’adopter une nouvelle stratégie parce que l’Etat Profond Britannique n’hésitait pas à commettre des massacres horribles et massacrait au vu de tous notre peuple à Mossoul, Kirkouk et Souleimaniye. La seule issue semblait être la réconciliation.
Une autre raison importante pour laquelle la Turquie n’a pas risqué la guerre à Mossoul et la réconciliation avec les conditions proposées par les Britanniques était le fait qu’Ankara n’avait pas de forces aériennes pour combattre les forces aériennes Britanniques stationnées en Irak. Après la guerre, la Grande-Bretagne a déployé toute son armée de l’air en Irak. Cela démontrait clairement que Mossoul n’était pas un sujet négociable pour la Grande-Bretagne. Cependant, il ne faut pas oublier que la partie Turque venait de sortir d’une période de dix années de guerres constantes, notamment les guerres des Balkans, la Première Guerre Mondiale et la Guerre d’Indépendance. La Turquie, au cours de ces années, était un pays fatigué, battu et appauvri qui luttait pour rester fort au milieu des ruines de l’Empire Ottoman. Non seulement elle n’avait pas de force aérienne pour se défendre, mais ses capacités militaires étaient très limitées.
En outre, il convient de garder à l’esprit que, lors des pourparlers de Lausanne, Istanbul était encore sous occupation. Dans ces circonstances, la partie Turque était clairement désavantagée avec une marge de manœuvre limitée. Tous ces facteurs ont obligé la partie Turque à accepter un compromis sur la question de Mossoul.
Mustafa Kemal, jusqu’à ce que les pourparlers de Lausanne aient été suspendus, a déclaré à plusieurs reprises que Mossoul était une terre Turque et qu’il veillerait à ce qu’elle le reste en utilisant la force militaire si nécessaire. Cependant, plus tard, il a considérablement changé de ton. Il a commencé à dire qu’il serait faux d’être persistant à Lausanne pour le règlement de la question de Mossoul et qu’elle pourrait être résolue plus tard. Un rapport des renseignements Britanniques daté du 15 mars 1923 explique la raison de ce changement de rhétorique. Le rapport indiquait que dans les prochaines années, non seulement Mossoul, mais aussi l’Irak, Bassorah, l’Arabie, la Syrie et peut-être d’autres pays islamiques, pourraient s’unir sous leadership Turc et que cela se ferait sous le projet de l’Union Islamique et que ce projet avait de fortes chances de réussir.392
L’Union Islamique va certainement se réaliser, tous les pays islamiques s’uniront, les frontières seront supprimées et même des pays comme la Russie, les États-Unis, Israël, la Chine et tous les autres pays du monde adhéreront à cette union. Cela se produira avec l’apparition du Mahdi (psl) lorsque tous les complots sinistres de l’Etat Profond Britannique, les guerres et les conflits prendront fin, et même pas une seule goutte de sang ne sera versée. Mustafa Kemal savait sans doute que le moment viendra. Il savait que tôt ou tard les Turcs reprendront les terres qui leur appartenaient auparavant. Il était certain que, même si cela ne s’était pas produit à l’époque, cela se produira avec l’arrivée du Mahdi (psl). Pour cette raison, il n’a pas repoussé les limites et a gardé son espoir vivant avec le rêve de l’Union Islamique dans son cœur.
Finalisation du traité de Lausanne
Avec la 3ème clause du Traité de Lausanne signée le 24 juillet, la frontière entre la Turquie et l’Irak était réglementée. Cette clause, dans laquelle Mossoul n’était pas mentionné, stipulait que la Turquie et la Grande-Bretagne poursuivraient les négociations pendant encore neuf mois pour déterminer la frontière et que la question de Mossoul serait portée devant le Conseil de la Société des Nations à moins qu’un accord ne soit conclu. Toutefois, la clause n’était pas claire en ce qui concerne les méthodes de la Société des Nations ou la décision à prendre. Comme nous l’avons déjà mentionné, le fait de porter la question devant la Société des Nations serait en tout cas en faveur des intérêts Britanniques. A l’évidence, la Turquie n’aurait pas son mot à dire dans une organisation dont elle n’était même pas membre. L’Etat Profond Britannique, qui exerçait une forte emprise sur la Société des Nations à l’époque, a poussé de toutes ses forces pour avancer des revendications illégitimes sur Mossoul.
Lorsque la question a finalement été soumise à la Société des Nations, la Turquie a demandé à la Ligue de concrétiser « la volonté du peuple de Mossoul », mais la Grande-Bretagne a demandé la création de la « frontière entre la Turquie et l’Irak ». Le fait est que la clause correspondante du traité de Lausanne ne faisait pas référence à Mossoul, mais ne mentionnait que la « frontière », et donnait l’avantage à l’argument Britannique.393
İsmet Pasha en train de signer le Traité de Lausanne (1923) |
La salle de réunion où se sont déroulées les négociations de Lausanne |
Mossoul après Lausanne
Des questions controversées, que le Traité ne pouvait pas résoudre, dominaient la politique étrangère Turque à la suite de la Conférence de Lausanne, alors que le désaccord sur Mossoul avec la Grande-Bretagne était la question de politique étrangère la plus féroce de 1923 à 1926.
A la demande de la Grande-Bretagne, le différend sur Mossoul fut renvoyé devant la Société des Nations le 6 août 1924, qui commença à en discuter le 20 septembre 1924, un an après la signature du Traité de Lausanne. Au cours des entretiens, la partie Turque a réitéré son offre de référendum à Mossoul, mais la Grande-Bretagne, comme auparavant, a rejeté cette idée avec des excuses insolentes comme « les autochtones sont ignorants et ne comprennent pas les questions frontalières ».394 (Les Kurdes de la région sont au-dessus de ces remarques). Le 30 septembre 1924, il a été décidé de créer une commission d’enquête qui a défini les frontières le 28 octobre 1924 et a établi une frontière Turco-Irakienne de Statu Quo appelée « La Ligne de Bruxelles ». Les points saillants du rapport de la commission soumis à la Société des Nations le 16 juillet 1925 étaient les suivants:
1- « La ligne de Bruxelles » devrait être définie comme une frontière géographique,
2- Les Kurdes, avec leur population de 500 000 habitants, étaient majoritaires au vilayet de Mossoul,
3- Les Kurdes étaient plus nombreux que les Turcs et les Arabes,
4- Le Mandat en Irak, qui devait prendre fin en 1928, sera prolongé de 25 ans,
5- Mossoul sera laissé à l’administration Irakienne à condition que les Kurdes de la région bénéficient de droits administratifs et culturels,
6- Si la Société des Nations décide que la région soit partagée entre les deux pays, la ligne de la rivière Petit Zab sera acceptée comme frontière,
7- Si la Société des Nations ne juge pas approprié que le Mandat en Irak soit étendu et que la région soit laissée à l’Irak avec certains privilèges aux Kurdes, alors Mossoul doit être laissé à la Turquie,
8- Les revendications et les demandes Britanniques concernant Hakkari seront rejetées.
Lorsque la Turquie a soulevé des objections à ce rapport, le Conseil a demandé à la Cour permanente de Justice Internationale à La Haye, le 19 septembre 1925, de soumettre son avis. Cet avis était conforme aux vœux de la Société des Nations et, malgré les contestations Turques, l’Assemblée de la Société des Nations annonça le 8 décembre 1925 qu’elle adoptait la résolution de la Cour de justice. Quelques jours plus tard, le 16 décembre 1925, elle approuvait le rapport de la commission d’enquête et décidait que les terres situées au sud de « La Ligne de Bruxelles » seraient laissées à l’Irak.
Le château d’Ouchy, lieu des pourparlers de Lausanne |
La Sédition de l’Etat Profond Britannique Alimente les Révoltes dans toute la Région
Le Nestorianisme et les Activités Missionnaires Ciblant les Nestoriens
Le Nestorianisme est une secte Chrétienne ayant des adeptes dans diverses parties de l’Asie. Entre 1915 et 1924, une importante population nestorienne vivait à Nusaybin, Siirt et Hakkari en Turquie395, la plupart sont installés autour d’Hakkari et l’ont considéré comme leur centre (il n’y a actuellement aucun Nestorien en Turquie).396
Lorsque l’information concernant la présence Nestorienne sur les terres Ottomanes s’est répandue en Occident, de nombreux missionnaires sont venus dans la région alors que divers pays cherchaient des moyens de faire de cette minorité Chrétienne sur les terres Ottomanes un avantage pour eux. La Grande-Bretagne était la plus ardente et la plus déterminée.
La « Société Géographique Royale » (Royal Geographical Society) et la « Société pour la Propagation du Savoir Chrétien » (Society for Promoting Christian Knowledge) Britanniques étaient particulièrement actives dans les activités missionnaires. Avant de nous pencher davantage sur ces faits historiques, rappelons-nous encore une fois une vérité très importante: être missionnaire est une activité sacrée que les gens accomplissent pour répandre leur foi et communiquer la religion à laquelle ils croient. Cependant, les missionnaires qui seront mentionné ici ne cherchaient pas à accomplir un tel devoir; au contraire, ils étaient des espions de l’État Profond Britannique, chargés de mener à bien ses sinistres œuvres, mais déguisés en missionnaires. À tel point que ces soi-disant missionnaires envoyés par lesdites organisations agissaient comme des agents de renseignement sur les terres Turques et étudiaient l’ordre social et le pouvoir de l’autorité de l’État dans la région. Ils ont déterminé les méthodes qui pourraient être utilisées pour provoquer cette communauté, ayant des origines ethniques différentes, contre l’administration de l’État.
1. Les Nestoriens au mont Judi en 1899 2. Une Photo de l’émeute nestorienne. Les Nestoriens ont été exploités par l’Etat Profond Britannique dans le but de contrôler les réserves de pétrole de la région. |
Les Révoltes Nestorienne et les Efforts de l’Etat Profond Britannique
Les Nestoriens s’étaient révoltés deux fois contre l’Empire Ottoman, en 1843 et 1846, mais ils avaient été réprimés. Durant la Première Guerre Mondiale, ils se sont affrontés avec les tribus Kurdes du sud-est de l’Anatolie et de l’Anatolie Orientale. Les archives Ottomanes mentionnent la rivalité entre les missionnaires protestants Britanniques et Américains et les Russes Orthodoxes pour conquérir les Nestoriens au cours de ces années397 et que les problèmes entre Nestoriens et Kurdes se sont aggravés en raison de ces supposées activités missionnaires.398 En effet, après avoir vécu ensemble pacifiquement, des tensions ont commencé à surgir entre ces deux communautés qui se sont transformées en affrontements sanglants lorsque l’Etat Profond Britannique a commencé à intervenir dans la région sous couvert d’activités missionnaires au 19ème siècle.399
Pendant les affrontements entre Kurdes et Nestoriens en 1843, les missionnaires Britanniques dirigés par George Percy Badger utilisaient des vêtements, de la nourriture et de l’argent pour gagner les faveurs des Nestoriens tandis que le Patriarche Nestorien chercha refuge au Consulat Britannique.400 Ceci est une indication de la façon dont les membres de l’État Profond Britannique ont considéré les Nestoriens comme un moyen idéal pour les aider à s’implanter dans la région. Dès que les missionnaires Britanniques comme le Dr. William Henry Browne ont gagné la confiance des habitants de la région, ils ont immédiatement déclaré que le problème concernait la politique interne401 et ont pris position contre l’Empire Ottoman.
John George Taylor, le consul de la Grande-Bretagne à Erzurum à cette époque, commença sa lettre envoyée au Comte de Clarendon en 1868 avec les déclarations suivantes: « Veuillez trouver ci-joint deux rapports qui contiennent mes observations ainsi que mes expériences sur le pays et la population. Ces données sont basées sur mes six années de service dans le pays ». La pièce jointe à la lettre comprenait, en plus des détails démographiques des Nestoriens, le commentaire suivant:
Les Nestoriens constituent la deuxième plus grande communauté Chrétienne après les Arméniens. Ils ne sont pas importants parce qu’ils sont riches ou intelligents, mais parce qu’ils vivent sur un terrain montagneux proche de la frontière Iranienne et peuvent être des combattants si nécessaire. C’est aussi parce que dans la pratique ils sont quasiment indépendants… Ils se plaignent toujours des Kurdes et des Turcs et ils sont si pitoyables, ils sont prêts à accepter d’être gouvernés par des étrangers au prix de leurs croyances et de leurs terres.402
En d’autres termes, les membres de l’Etat Profond Britannique ont une fois de plus appliqué leurs tactiques habituelles, essayant de montrer les Nestoriens comme un « peuple opprimé » alors qu’ils vivaient en paix depuis des siècles et les considéraient comme des pions pouvant être utilisés sous le prétexte de « protection ». (Le Nestorianisme et les Nestoriens sont au-dessus de ses remarques). Ils n’ont pas hésité à exprimer clairement leurs idées.
Les Révoltes pendant la Première Guerre Mondiale et les Affrontements Ultérieurs
Les Nestoriens qui se sont révoltés pendant la Première Guerre Mondiale ont été vaincues par l’armée Ottomane et en conséquence, ont commencé à se diriger vers Hamadan avec les conseils et l’aide de l’aviation Britanniques. Par la suite, la Grande-Bretagne a installé un camp de 3 000 tentes à Baquba, à 50 km de Bagdad, pour 40 000 à 50 000 Nestoriens.403
Cela a rendu les Nestoriens plus vulnérables à l’exploitation par les Britanniques. Vivant dans des camps de tentes dépendants des Britanniques, ils ne pouvaient s’empêcher de devenir des mercenaires potentiels pour les futures revendications Britanniques dans la région, plutôt que d’être un peuple « opprimé » protégé par les Britanniques.
Promettant un État muhtar (autonome) aux Nestoriens dans la région d’Hakkari et d’Urmiye, les Britanniques voulaient construire une zone tampon entre l’Empire Ottoman et ses terres en Irak et établir quatre bataillons de Nestoriens appelés « forces enrôlées » en tant que force armée de cette zone tampon.404
Identiques aux forces Britanniques en uniforme et en matériel, ces forces ont lancé des attaques contre les habitants des provinces de Hakkari, Şırnak et Van, et ont particulièrement œuvré pour chasser de la région la population Kurde vivant le long de la vallée de Zab. En représailles, des tribus Kurdes ont commencé à attaquer des unités Britanniques dans diverses régions à partir de mars 1919.405
Même si les Britanniques ont répondu à ces attaques par des contre-attaques, ils ont dû abandonner leurs plans de « zones tampons » basés sur l’utilisation de ces « forces enrôlées ». Néanmoins, l’État Profond Britannique a poursuivi ses efforts pour construire un État nestorien en Anatolie. Au cours de la conférence tenue à San Remo, en Italie, du 18 au 26 juin 1920, organisée dans le but de partager les territoires Ottoman, Lord Curzon a réclamé une zone spéciale pour les Nestoriens. Après ce développement, les Nestoriens ont décidé de lancer une attaque militaire contre Hakkari et par la suite ils s’y sont installés.406 L’attaque qui a commencé le 27 octobre 1920 a échoué en raison des conditions hivernales rigoureuses.
Les Révoltes de 1924
Trois ans plus tard, les Nestoriens se sont encore une fois révoltés, c’est l’Etat Profond Britannique qui les a soutenus. L’Etat Profond Britannique a continué d’utiliser les Nestoriens comme mercenaires contre la Turquie jusqu’à ce que la question de Mossoul soit résolue en sa faveur.407
Le gouverneur de Hakkari, Halil Rıfat Bey, qui a été fait prisonnier au début de la révolte Nestorienne en 1924, a déclaré avoir vu des soldats Britanniques en uniforme et armés parmi des Nestoriens et des avions Britanniques survolant les collines de Hakkari (Çukurca). En se basant sur ses observations, il a déclaré: « Il ne fait aucun doute que les Britanniques ont récemment provoqué ces personnes contre notre gouvernement« .408
Halil Rıfat Bey a vu juste avec son analyse que la révolte a été soutenue par l’Etat Profond Britannique. Ce fait est encore vérifié dans un article publié par The Times au même moment. Cet article dépeignait les terres Turques, prévues pour être prises pour les Nestoriens, comme un État Assyrien, en se référant à l’incident de Hakkari, utilisait un ton menaçant et a déclarait que si la région était laissée à la Turquie, d’autres incidents suivraient. Dans le même article, le territoire Turc de Çölemerik (Hakkari) était appelé « des terres qui n’appartenaient encore à personne ». Le gouverneur Halil Rıfat Bey, qui est allé enquêter sur la région, a été décrit comme une personne qui a violé la région.409
Mossoul abrite de riches réserves de pétrole. Pour cette raison, elle a toujours été une cible de l’état profond britannique à travers l’histoire. |
En effet, la Turquie a déclaré à plusieurs reprises que les Britanniques avaient armé des tribus Nestoriennes qui avaient organisé des attaques contre la Turquie.410
En réalité, l’Etat Profond Britannique envisageait de construire des régions autonomes Kurdes et Nestoriennes au sein du vilayet de Mossoul, qui, selon son plan, rejoindrait plus tard l’État Arabe qui serait fondé sous le mandat Britannique. Cela donnerait à la Grande-Bretagne la zone tampon qui protégerait ses réserves de pétrole au Moyen-Orient et lui permettrait de pousser les régions Kurdes et Nestoriennes vers le nord pour étendre sa sphère d’influence.411
Cafer Tayyar (Eğilmez) Pacha, commandant du 7ème corps, a été chargé de diriger l’opération militaire visant à réprimer la révolte Nestorienne412 et la campagne a commencé le 11 septembre 1924.413 Les tribus Kurdes ont également soutenu la campagne militaire contre les Nestoriens.414
Le matin du 14 septembre, une unité de cavalerie Turque qui passait la frontière entre Hakkari et Mossoul a été bombardée pendant trois heures de suite par trois avions Britanniques qui ont décollé de Zakho. Forcés de se retirer, les unités Turques se sont déplacées vers le nord.415 Cependant, lorsque les Britanniques ont commencé à violer les terres Turques en utilisant les Nestoriens, la Turquie a envoyé une note diplomatique à la Société des Nations le 17 septembre 1924, l’informant de la violation du traité de Lausanne.416
La campagne a pris fin lorsque les unités Turques ont atteint la ligne de la rivière Hezil Suyu le 11 octobre 1924 et ont conduit les rebelles au nord de l’Irak.
La Rébellion de Sheikh Said
La Turquie n’était certainement pas satisfaite de la résolution de la Société des Nations datée du 16 décembre 1925 qui laissait Mossoul à l’Irak. En effet, selon les services de renseignements Britanniques, Mustafa Kemal se préparait à une autre série de combats. Alors que se préparait une campagne militaire pour le contrôle de Mossoul, la rébellion de Cheikh Said en Anatolie du sud-est a éclaté. Cette révolte, qui a vu la participation de certaines tribus Kurdes et Zaza, était assez suspecte en termes de causes et de calendrier. La vérité est que la révolte a éclaté sans aucune raison valable, à part que cela avait été prévu des années à l’avance par l’Etat Profond Britannique. C’était un plan alternatif à utiliser si la Turquie décidait d’agir – militairement ou autrement – à propos de Mossoul. Cette fausse révolte accentuerait également l’imaginaire « division Turco-Kurde », une autre manigance de l’Etat Profond Britannique, et garderait la Turquie pieds et mains liés.
L’historien français Jacques Benoist-Méchin a fait les remarques suivantes concernant le soutien de l’Etat Profond Britannique à la révolte:
La révolte de Sheikh Said était un défi à l’intégrité territoriale du nouvel État et à l’application des lois dans tout le pays… Espérant qu’elle pourrait empêcher le régime Kémaliste de se renforcer, la Grande-Bretagne a provoqué une révolte Kurde qui créerait des troubles. Il maintenait la blessure ouverte de la Turquie, en fournissant de la nourriture et des munitions aux émeutiers.417
La Grande-Bretagne surveillait de près la rébellion de Sheikh Said. Cet incident a eu lieu au point le plus critique du conflit de Mossoul, sous la supervision de l’Etat Profond Britannique, et comme prévu celui-ci, il a donné un important levier aux Britanniques. Cette fausse révolte donnait au public international le message que « les Turcs et les Kurdes ne pouvaient pas vivre ensemble en paix sur les terres Turques ».418 Cet incident a permis à la Grande-Bretagne de dire: « Laissez les Kurdes à Mossoul, vous combattez même vos propres Kurdes ».419
1. Après que Cheikh Said et d’autres rebelles aient été arrêtés. 2. Cheikh Said une heure avant l’exécution. 3. L’émeute de Cheikh Said a eu lieu sous le contrôle l’Etat Profond Britannique. |
Dans les premiers jours de la révolte, le commissariat français à Bagdad a envoyé à Paris un rapport de 40 pages. Le rapport mentionne des intérêts Franco-Britanniques contradictoires au Moyen-Orient, ainsi que les relations entre Kurdes et Britanniques. Il a également inclus les déclarations suivantes à propos de Sheikh Said:
Depuis 1918, Sheikh Said travaille pour le Comité Kurde d’Istanbul, qui cherche à construire un Etat Kurde sous mandat Britannique. En 1918, Abdullah Bey, dirigeant du Comité Turc pour l’indépendance des Kurdes, a présenté Sheikh Said au major Noel, qui était l’un des éléments fondamentaux de la politique Kurde Britannique …420
Rappelons un fait important: Ni les Kurdes ni les Assyriens ne souhaitaient se rebeller sur les terres Turques. Au contraire, la plupart de ces communautés se sont opposées à ces révoltes. La vérité est que les révoltes ont été organisées et orchestrées par les espions Britanniques. L’objectif était de faciliter l’intervention Britannique sur les terres Turques, dépeignant la Turquie comme un pays faible et intolérant à l’égard de ses minorités et, bien sûr, d’assurer une domination définitive sur Mossoul. Les ruses de l’Etat Profond Britannique ont réussi et la Commission d’enquête créée par la Société des Nations a publié son rapport en faveur du cas Britannique et la Ligue a pris sa décision en conséquence. Les propos suivants du député d’Erzurum Hüseyin Avni Bey ont été prouvés une fois de plus: « La Société des Nations n’est qu’un conseil Britannique ».421
Le Vilayet de Mossoul est Perdu
La Société des Nations a intégré Mossoul à l’Iraq sous mandat Britannique et sa durée a été prolongée à 25 ans, alors qu’elle ne devait initialement durer que cinq ans. Il a également été décidé que les questions économiques devraient être résolues entre les deux pays par le biais de divers accords.
Les principales raisons pour lesquelles le différend de Mossoul a été résolu en défaveur de la Turquie peuvent être énumérées comme suit:
1- La Turquie n’était pas membre de la Société des Nations,
2- La Grande-Bretagne était le membre le plus influent de la Ligue (en effet, beaucoup appelaient la Ligue un conseil Britannique),
3- Le général Estonien qui s’est rendu dans la région pour effectuer des examens n’a pas été autorisé à se rendre au nord de la Ligne de Bruxelles qui définissait la frontière Turco-Irakienne, ce qui a rendu impossible une enquête impartiale,
4- La Turquie ne pouvait pas envoyer de représentant à la Cour Permanente de Justice Internationale,
5- La rébellion de Sheikh Said, provoquée par l’Etat Profond Britannique, a mis la Turquie dans une position difficile.
Bagdad en 1914 (1) et en 1918 (2) |
Bien que la Turquie se soit opposée à la décision, pour maintenir « l’atmosphère de paix » nouvellement apparue et pour ne pas violer les anciennes résolutions acceptées, elle a été contrainte de reconnaître cette décision. L’administration Turque a eu de sérieuses difficultés pendant cette période parce que l’Etat Profond Britannique, très influent, a lutté avec acharnement pour Mossoul et n’a pas voulu faire de compromis sur cette question pendant les négociations. C’était important pour l’Etat Profond Britannique car, dans les années qui ont suivi, l’Etat Profond Britannique a largement utilisé les Kurdes pour mener à bien ses projets sinistres pour le Moyen-Orient et la Turquie. La division Turco-Kurde fabriquée qui a commencé avec la question de Mossoul a marqué le début de cette exploitation des Kurdes.
Bien que la Turquie ait maintenu que la décision concernant Mossoul était injuste, en raison de sa politique étrangère consistant à rechercher des moyens pacifiques pour résoudre les problèmes, elle s’est abstenue d’aggraver le problème et a manifesté sa contestation par la diplomatie conformément aux circonstances. Dans le cadre de cette stratégie, elle a signé le 17 décembre 1925 un Traité d’Amitié et de Neutralité avec l’Union Soviétique. Ce traité était un « accord naturel » fondé sur le rapprochement de deux pays, qui a débuté pendant la Guerre d’Indépendance Turque. Cependant, il convient de noter qu’elle a été signée le lendemain de la décision de la Société des Nations concernant Mossoul. En ce sens, elle s’inscrit dans le prolongement du Traité d’Amitié Soviéto-Turc signé le 16 mars 1921, le Traité de Kars signé avec l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan le 13 octobre 1921, républiques soviétiques à l’époque, et enfin le Traité d’Amitié et de Fraternité signé avec l’Ukraine le 2 janvier 1922. C’était également une réaction contre la décision de Mossoul.
Que Nous Apprend la Question de Mossoul ?
En étudiant les négociations de Mossoul à Lausanne, il est important de comprendre pourquoi l’Etat Profond Britannique était si inflexible. Le soi-disant « problème Kurde », qui n’avait jamais existé auparavant, a soudainement commencé après la prise de force de Mossoul sous contrôle Britannique lors des négociations de Lausanne. Le plan centenaire de l’Etat Profond Britannique comprenait la fabrication de l’inexistant « problème Kurde » pour la Turquie, qui persiste encore aujourd’hui. « La séparation des Turcs et des Kurdes » a été évoquée pour la première fois au cours de ces années, construisant presque l’infrastructure d’un plan qui serait utilisé dans le futur par des groupes terroristes. Bien que les Kurdes de Turquie et de Mossoul aient déclaré à plusieurs reprises qu’ils étaient « Turcs » et « fidèles à la Turquie » et que les membres Kurdes du Parlement Turc ont clairement crié haut et fort qu’il n’y avait ni discorde ni problème entre Turcs et Kurdes, l’Etat Profond Britannique a continué sa propagande implacable en disant le contraire.
A. Mossoul | 1. Turquie 2. Iran 3. Iraq |
4. Israel 5. Egypte 6. Arabie Saoudite |
Un problème artificiel Kurde a été créé sournoisement à Mossoul, un territoire Turc. |
Un tableau de Mossoul |
Tout comme son début artificiel, le « problème Kurde » est encore artificiel aujourd’hui, quand on en examine ses causes. Il convient de noter que ceux qui prétendent aujourd’hui l’existence d’une telle fracture et qui adoptent un langage raciste en conséquence sont en réalité soit des agents, soit des flagorneurs au service de l’Etat Profond Britannique. De telles personnes ayant cet état d’esprit ont fait partie de structures étatiques profondes dans toute l’histoire de la Turquie; ils ont suivi une politique oppressive envers les Kurdes et ont même eu recours à la violence, et ils ont créé une division en Turquie. Aujourd’hui, il est bien connu que ces personnes ont créé une polarisation et une haine artificielle des minorités. Une analyse minutieuse de la situation actuelle révélera comment la provocation de ces personnes est soutenue par les publications familières sous le contrôle de l’Etat Profond Britannique.
Étonnamment, même si le groupe terroriste Stalinien PKK rejette toutes les identités nationales, il utilise le nationalisme Kurde comme outil de propagande pour son but ultime de construire un État communiste anarchiste en Anatolie du Sud-Est et d’imposer un système communiste à nos frères Kurdes. Cette propagande est une méthode fréquemment utilisée par l’Etat Profond Britannique pour influencer les masses. En effet, c’est l’Etat Profond Britannique qui a donné l’idée au PKK. Par conséquent, il n’est pas surprenant que le PKK soit sous la protection extrême de l’Etat Profond Britannique. On a mentionné précédemment comment la question de Mossoul était utilisée pour fabriquer le problème Kurde qui n’existait pas auparavant et comment ce plan avait été appliqué au siècle suivant. Un examen attentif du problème actuel du PKK révèle que Mossoul était en effet le point de départ de la carte Kurde que joue toujours l’Etat Profond Britannique.
Au moment des négociations de Lausanne, les Kurdes étaient notre famille, notre peuple, une partie de nous; et le sont toujours. Providentiellement, nos frères et sœurs Kurdes, en particulier dans le Sud-Est de l’Anatolie, se sont maintenant rendus compte des plans sournois de l’Etat Profond Britannique grâce à nos efforts inlassables. Pendant des années, ce grand peuple n’a été influencé par aucune provocation, et ils ne le sont toujours pas, malgré les pièges néfastes de l’Etat Profond Britannique et du PKK. L’Etat Profond Britannique ne nous séparera jamais de nos frères et sœurs Kurdes, peu importe combien il a essayé depuis ses ruses à Mossoul; jamais il n’y parviendra.
La première bannière du PKK était une bannière rouge communiste sur laquelle étaient gravés un marteau et une faucille. Des affiches de Marx, Engels et Lénine couvrent les murs lors des réunions du PKK. |
Footnotes:
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416. TBMM Zabıt Ceridesi [Turkish Parliamentary Journal], Term 2, 1st Meeting, 1st Session, 18.10.1340, C. IX, pp. 7-11
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418. Suat Zeyrek, “Milli Mücadele Sürecinde Türk – İngiliz Rekabeti: Kürt Sorunu” [Turkish-British Competition during the Turkish War of Independence], Turkey Journal, Vol.23/ Spring 2013, p. 134
419. Taha Akyol, Bilinmeyen Lozan, p. 267